J’ai peur. Terriblement peur. Il fait si noir que je ne vois rien. J’ai froid. Trop froid. Ma tête me fait mal, tout comme le reste de mon corps. J’ai l’impression de m’être fait brûler vif. C’est si douloureux…
Je ne comprends pas. Pourquoi suis-je ici ? Que s’est-il passé ? Je ne sais pas. Je n’en sais rien… Mes pensées sont confuses, je n’arrive pas à me souvenir de quoi que ce soit… Père, Mère, Dae Hyo…venez me chercher… Sauvez-moi.
N’importe qui, mais sauvez moi…
J’ai compris depuis bien longtemps que nous ne pouvions pas être sauvés. J’ai essayé d’y croire, de me rattacher à cette infime lueur d’espoir. A cette chose utopique, stupide échappatoire si propre aux faibles.
L’espoir. Un mot qui ne laissait qu’une amertume écœurante sur mes lèvres, une sensation âpre et diffuse. Un mot mièvre, dégoulinant d’émotions saines et positives. Un mot que j’avais définitivement rayé de mon vocabulaire.
Il n’était pas permis aux monstres. Il ne l’était plus pour moi.
Il n’y avait rien de plus horrible que cela. Non. L’horreur n’avait pas de plus parfaite définition que ce qu’ils me faisaient vivre chaque jour, chaque heure et chaque seconde. Je vivais dans un enfer perpétuel. Un cauchemar les yeux ouverts. Une réalité à laquelle je ne pouvais me soustraire.
J’étais traité comme une bête, enfermé, attaché pieds et poings liés dans une minuscule cage, n’ayant rien de plus à manger que des cadavres d’animaux, putrides, infectes et pestilentiels. Ce qui me faisait office d’habits n’était qu’un tas de loques, nauséabonde et inefficace contre le froid. De toute ma vie, je n’avais jamais ressenti cet écrasant sentiment d’infériorité, cette humiliation insensée et cette incompréhension douloureuse. Oui, plus que tout, je ne comprenais pas ce que je faisais ici, ni ce qu’on attendait de moi en m’enfermant de la sorte.
Je me souvenais vaguement de m’être rendu avec mes parents et mon grand frère à une procession centrée autour de je ne sais quel thème trivial. Cela m’avait ennuyé profondément et, discrètement, j’avais tenté de m’esquiver. C’est à cet instant qu’une main s’était plaquée sur ma bouche et qu’un poing s’était abattu sur ma nuque.
Et lorsque j’ouvris les yeux, j’étais cloîtré dans cet endroit insalubre.
C’est idiot. Je venais vraiment à regretter de n’avoir pas assisté à cette cérémonie.
Un beau jour, ma situation changea, évolua. Empira.
De « potentiel sujet », j’étais passé à « sujet expérimental ». C’est ce que m’avait susurré un homme à l’aspect lugubre avant d’ouvrir la cage dans laquelle on m’avait entreposé durant des semaines. Je n’eus ni la force de me débattre ni celle de m’enfuir lorsque plusieurs hommes m’agrippèrent les épaules pour m’emmener hors de cette pièce sombre et humide. Je ne pus que lever mes yeux mornes vers eux, regarder avec impuissance leur visage exprimant une cruauté sans limite et une folie meurtrière. Avec soulagement, une part de moi se détendit. On allait enfin mettre fin à mon supplice, abréger toutes mes souffrances inutiles. Il m’était totalement impossible de tenir seul sur mes deux jambes, mon corps étant devenu bien trop faible pour supporter mon propre poids. C’était une bonne chose. Je ne pouvais plus vivre comme il se devait. J’avais renoncé depuis un bon moment.
Je pensais que j’allais mourir. Enfin.
Et je n’avais peut-être pas tout à fait tort.
Aiguilles. Sang. Douleur. Couteau. Cri. Souffrance.
Sang. Sang. Sang. Mal. Sang. Sang. Sang. Sang. Sang. Mal. Sang. « Le sujet a accepté la mutation ; c’est une réussite. »Feu. Brûlure. Horreur. Sang.
Mort.Mon corps était lourd, empêchant le moindre mouvement de ma part tandis qu’un mal de crâne strident montait furtivement en moi, me donnant l’impression que ma tête exploserait dans les prochaines secondes. La table sur laquelle j’étais attachée était d’une abominable couleur rougeâtre, et du sang coagulé suintait sur toute sa surface. Une odeur de fer écœurante emplissait la pièce, annihilant le cours de mes pensées. Que venait-il de se passer ?...
Le scénario se répétait une nouvelle fois. Toujours et encore.
On me jeta à nouveau dans une cellule, légèrement plus grande, attaché au mur par d’épaisses chaînes de métal et muselé. Oui. Muselé.
Les jours s’écoulaient dans une lenteur excessive, s’entassaient jusqu’à ne former qu’une pénombre indéfinie, qui ne semblait connaître de cesse. Je ne savais plus depuis combien de temps j’étais enfermé dans cet endroit. Une éternité, me semblait-il.
A vrai dire, je ne comptais plus.
Du jour au lendemain, lorsque tout espoir venait définitivement de me quitter, mon calvaire prit fin. Le laboratoire –s’il s’agissait vraiment de cela- fut ravagé par une explosion, disparu dans une gerbe de flammes rougeoyantes. Le choc qui ébranla le bâtiment jusque dans ses fondations fit tomber chaînes et barrières qui m’entravaient depuis bien trop longtemps. Je m’attendais à mourir –véritablement, cette fois-ci- au milieu des décombres, asphyxié par l’épaisse fumée qui chargeait l’air ou enseveli sous les gravats. J’étais dans l’incapacité des plus totale de faire bouger mon corps, de m’enfuir loin d’ici. J’étais résigné.
Alors pourquoi ?
L’instinct de survie. Voici ce qui me sauva. Un instinct primaire. Bestial. Un instinct qui avait pris le dessus sur tous les autres, ordonnant à mon corps de se lever et courir. Fuir et survivre. A cet instant, ma conscience disparue. Il n’y avait qu’une bête terrifiée, animée par la crainte de mourir.
C’est cette même bête qui me sauva.
Elle ne l’aurait jamais dû.J’appris très rapidement ce que j’étais devenu. Bien trop vite pour que je puisse l’assimiler tranquillement. A ma place, qui l’aurait pu ?
Ce n’est qu’après avoir vidé un homme de son sang dans un élan de folie que je pris conscience de ma nouvelle nature. Un monstre. On m’avait transformé en monstre. J’étais horrifié et totalement perdu. J’avais peur de ce que j’étais devenu, de mes actes. Mes pulsions. Je n’étais qu’un pauvre gamin effrayé par ce monde qu’il découvrait. Par ses envies. Sa soif de tuer. Ce plaisir morbide.
L’espace d’une fraction de seconde, j’avais aimé tuer.
Mourir avait été mon seul objectif pendant près d’un siècle. J’étais seul dans un monde que je ne connaissais pas, qui me révulsait. Je ne savais ni quoi faire, ni quoi penser. Je ne voulais pas continuer à vivre en tuant des gens. En buvant leur sang. Je devais être éliminé.
C’est ce que je pensais jusqu’à connaître la vérité.
Suite à de nombreuses recherches, je découvris ce que j’étais réellement. Un Dracun. Un des derniers. Un être autrefois humain ayant subi d’affreuses mutations pour se rapprocher des vampires. Pour les tuer. Une bête poussée par ses instincts meurtriers. Un monstre créé de toutes pièces par les humains. Quelque chose qui n’avait pas lieu d’exister.
Ma résolution changea alors.
Je n’avais pas à payer pour ce qu’on m’avait fait subir de force. J’avais été transformé contre mon gré, damné… C’était de leur faute. Leur seule et unique faute. Ceux qui m’avait retiré mon humanité, volé ma vie et mon futur, je ne leur pardonnerai pas. Il fallait qu’ils payent. Qu’ils payent tous de leur vie.
De leur sang.
Ironique. L’Homme venait de créer ses propres ennemis.
Même au bout de quatre cent ans, je n’ai toujours pas changé, tu sais ~ ? Certes, mon identité est obligée de changer assez fréquemment, mais je n’en reste pas moins le même qu’autrefois. Tout le monde ne voit en moi qu’un adorable adolescent tentant de faire ses premiers pas dans le mannequinat. Tant mieux. J’adore voir leur expression horrifiée lorsqu’ils découvrent qu’un chaton peut faire mal. Très très mal.
Dis ! Tu me donnerais ton cou à croquer si je te le demande gentiment ♥ ?
♦ DRACUN :Que pense t-il de la création des Dracun ? Ce n’est rien de plus qu’une belle connerie mettant une nouvelle fois en valeur la cupidité des humains.
Quelle est sa préférence entre être un vampire ou un chasseur ? Il ne les apprécie pas tous les deux, mais il aurait préféré être un vampire « complet » plutôt qu’un rebut humain.
Accepte-t-il sa nature ? Non, mais a-t-il vraiment le choix ?
Quelle est sa relation avec les autres groupes ? Il méprise particulièrement les humains et n’hésite pas une seule seconde lorsqu’il s’agit de les blesser, voulant leur rendre au centuple les souffrances qu’ils lui ont fait subir… Il montre une certaine désinvolture vis-à-vis des vampires mais, d’un certain côté, les envie.