Il n'en peut plus, ne supporte plus de le voir chaque jour. Ce gamin, cet idiot lui tape sur le système dès qu'il croise son regard. Est-ce pour cela qu'il le martyrise autant ? Non. Kaiko sourit, les yeux ne lisant plus réellement son livre mais étant plutôt concentré sur un monde inaccessible aux autres. Assis dans sa bibliothèque, il lisait. A cet instant précis, il se contente de penser. Penser à la meilleure façon de faire regretter l'envie de vivre à cet imbécile. Car c'est pour cette simple raison qu'il le martyrise autant.

Hwang Jun Su n'aurait jamais dû naître. Et c'est ce que le vampire s'apprête à lui faire comprendre alors qu'il referme son livre et se lève. L'objet est posé sur une table mais Kaiko sait que personne n'y touchera. Il pourra revenir reprendre sa lecture où il l'avait abandonnée quand il le voudra, le livre n'aura pas bougé.

Lentement, marche par marche, pas par pas, il descend les étages, arrivant au sous-sol plus tôt que prévu. La porte ouverte, il est accueilli par un Jun Su épuisé et torse nu. Le vampire entre complètement dans la pièce et referme la porte derrière lui.
- Ah, voilà l'homme qui vit dans le passé. Bien ta journée ou toujours la même chose ? Tu devrais penser à repeindre ta chambre ou je sais pas quoi, vu le temps que tu passes dedans.
S'approchant, le sang-pur s'accroupit devant le Tengu et lui caressa la joue droite du dos de la main.
- Ne crois-tu pas que tu n'es pas en position de me parler ainsi ?

Sa main quitta le visage du jeune homme pour descendre le long de son cou puis traçant sa clavicule du bout des doigts. Il se souvenait encore avec précision de la texture de la peau de l'ancien chasseur mais aussi du goût de son sang. Et du sentiment de vengeance accomplie qui avait suivi la morsure.
Les ongles de Kaiko se plantèrent dans la peau du jeune homme et il descendit sa main le long de sa poitrine, un sourire sadique et fier se dessinant sur ses lèvres alors que le sang coulait. Il aimait tellement le voir se tordre de douleur ou voir le sang couler. Chaque fois qu'il savait qu'il lui faisait mal il se sentait plus près de sa femme, de leur fils. Il était tellement jeune...Stoppant sa main, Kaiko regarda Jun Su droit dans les yeux et ne put s'empêcher de se sentir coupable, tout au fond de lui. Lui aussi était jeune. Lui aussi avait perdu sa famille. Il retira sa main de la poitrine du jeune homme.

- Tu as soif, non ? Dans ce cas, sers-toi. Et que ça te serve de leçon.
Parfois il se disait que ce simple geste était la pire punition que Jun Su pouvait avoir, peut-être. Peut-être que le simple fait que l'ancien chasseur se retrouve vampire et doive boire du sang pour survivre était une punition assez cruelle...Mais pour rien au monde Kaiko n'arrêterait de le torturer, non.

C'était tellement agréable.

Kaiko sentit sa compassion et son regret s'envoler plus rapidement qu'il ne pensait possible alors que Jun Su lui crachait des mots remplis de venin à la figure. Le sang-pur sourit d'un sourire froid avant de disparaître, une main agrippant la gorge du jeune Tengu pour tourner sa tête.
- Tu joues avec le feu, petit idiot. Il semblerait que tu ne saches pas apprendre à rester sage et obéissant en présence de ton maître. Tu n'es qu'un animal, après tout. Mon animal.
Il lécha le cou dénudé du jeune homme, sentant l'excitation l'envahir, à nouveau. C'était toujours comme ça. Jun Su le repoussait, le mettait hors de lui et chaque goutte de sang versée ou avalée le remplissait de bonheur.

Souriant, il mordit sa peau, le sang affluant dans sa bouche. Il aimait tellement ça, sentir le pouvoir qu'il avait sur cet être négligeable et horrible. Il devait payer. Pour ses ancêtres mais aussi pour tout ce qu'il était. C'était lui le monstre, pas Kaiko, qu'il n'inverse pas les rôles.

Le sang-pur eut assez de pitié envers le Tengu pour ne pas le vider de son sang et arrêta vite de boire, laissant du sang couler de la commissure de ses lèvres alors qu'il faisait face à sa proie. Il sourit à nouveau en effaçant la trace de sang.
- Souviens-toi de ton rang, Jun Su. Tu avais beau être fort, avant, tu ne l'es plus, maintenant. Que tu le veuilles ou non, tu es sous mon pouvoir et tu te dois de m'obéir. Si tu es obéissant et gentil je ferai un effort pour être gentil à mon tour.

Il embrassa le Tengu sur la joue puis mordit son poignée, laissant le sang couler rapidement et l'approchant du visage de Jun Su.
- J'ai beau aimer te voir mourir de soif, je ne veux pas que tu meurs. Alors bois. Obéis, pour une fois, je suis sûr que toi aussi tu veux vivre. Tu as ton frère à retrouver, après tout.

La rage bouillonnait en Kaiko. Il sentait que si Jun Su continuait, il allait faire une bêtise et qu'il perdrait son jouet le plus amusant. Il tentait de se contenir mais savait qu'il finirait par exploser. Il n'avait qu'à espérer que ce ne serait pas maintenant. Les dents du garçon se plantèrent dans son poignet et il sourit. Il obéissait plutôt bien, finalement. Lorsque Jun Su et fini, il se redressa et se prépara à partir sauf que la voix du Tengu le retint.
- En parlant de mon frère, j'ai parlé avec quelqu'un il y a quelque temps... Et cette personne m'a fait comprendre quelque chose. Tu me mentirais pas par hasard ? Ou alors ça t'amuse ? Parce que si c'est le cas, tiens toi à ce que la prochaine fois que je me retrouve libre, tu ne me revoies plus avant des lustres. Et tu seras plein de poussière, à attendre le vide, vieux bout de bois, crois moi.
Il se retourna et croisa le regard de sa proie. Son animal. Comment pouvait-il lui parler ainsi ? Et, surtout, comment savait-il...?
- Si tu ne me dis rien, je jugerais que tu ne sais rien. C'est tout. Et tu devras te trouver quelqu'un d'autre à torturer par plaisir. Parce que moi, j'suis pas là pour ça, et avec ou sans toi, je retrouverais mon frère.
Il revint vers lui et s'accroupit face à lui, une de ses mains saisissant son menton pour le forcer à le regarder dans les yeux.
- N'as-tu pas retenu la leçon ?
Sa main libre se leva et caressa une de ses joues.
- Ne t'avais-je pas dit de ne pas me parler ainsi, petit idiot ?
Ses ongles se plantèrent dans la joue du garçon, glissant lentement pour arracher la peau, doucement. Il voulait qu'il souffre. Il était trop désobéissant, n'avait pas été assez bien dressé. Il était temps de régler ce problème.

- Oui, c'est vrai, je ne sais rien de ton frère. Et alors ? Tu ne sortiras jamais d'ici. Tu n'aurais même pas dû naître, tu m'entends ? Toi et ton frère n'auriez jamais dû fouler la terre, vous n'êtes que des créatures négligeables et à tuer. Vous n'auriez pas dû m'échapper le jour où j'ai tué toute ta famille. Vous auriez dû mourir aussi, vous ne méritez pas de vivre.
Ses ongles se retirèrent de la peau du garçon et se plantèrent dans sa poitrine, près de son cœur.
- Avez-vous jamais pensé aux souffrances que vous causiez, vous hunters, en tuant des vampires ? Ma famille n'avait jamais tué un seul humain, nous étions contre ça et les tiens ont tué sans réfléchir toute ma famille, tout le monde. Tu mériterais que je te tue rien que parce que tu es né mais regarde à quel point je suis bon avec toi ! Tu es vivant.
Il le lâcha et se redressa.
- Toi tu as une chance de retrouver ton frère alors que moi j'ai tout perdu.
Ses yeux s'étaient remplis de larmes sans qu'il s'en rende compte et il cligna des yeux pour les faire disparaître. Il ne manquait plus que laisser Jun Su le voir aussi détruit...

Kaiko s'accroupit à nouveau devant Jun Su.
- Ne me parle pas comme ça. Tu ne sais rien de moi, de mes motivations de ce que je ressens ou ai vécu, rien. Alors tais-toi. Il est vrai que je suis peut-être allé trop loin mais j'avais mes raisons. Même si je n'avais tué qu'une seule personne de ta famille, les autres auraient vécu dans l'horreur, comme moi. Les survivants sont les plus à plaindre. Tu étais censé mourir, toi aussi. Tu n'aurais pas souffert, ainsi. Et oui, j'étais obligé de les tuer. Ils devaient payer.

Le vampire en avait marre. Une part de lui savait que Jun Su avait raison mais tout le reste refusait de l'écouter et de le croire. Il en regrettait rien. Hormis le fait de n'avoir pu tuer Jun Su et son frère. Il était tellement bien placé pour savoir ce qu'ils ressentaient...Les bras de Kaiko bougèrent contre sa volonté et détachèrent les bras de Jun Su. Doucement, Kaiko les baissa et massa les poignets en silence. Il ne savait pas pourquoi il faisait ça mais le faisait. Peut-être qu'au plus profond de son être, une partie de lui espérait que Jun Su le pardonnerait, un jour. Il lui avait fait tellement de mal...

- J'aurai dû te tuer. Tu aurais moins souffert, ainsi. Je suis désolé.
Il était hors de question qu'il s'excuse pour avoir tué ses proches mais il pouvait et voulait s'excuser pour l'avoir laissé en vie. Il savait tellement bien à quel point être l'unique survivant était horrible.
- Tu sais où te soigner ou au moins faire un truc avec ces blessures.

Il se leva et lui fila une serviette qui traînait dans un coin.
- Couvre-toi, les servantes risquent de penser qu'on fait des trucs pas très catholique, sinon.
Il tentait de faire de l'humour pour cacher une culpabilité qui n'aurait jamais dû apparaître. Il ne devrait pas se sentir aussi coupable mais, bizarrement, il se sentait ainsi. Jun Su était une petite ordure désobéissante et casse-pied, il méritait tout ce qu'il pouvait recevoir ou presque. Il ne devrait pas culpabiliser ainsi.

Tout partait de travers, aujourd'hui. Pourquoi Kaiko s'était-il encore attaqué à Jun Su ? Il ne savait plus précisément. Tout en lui le répugnait. Il était trop jeune, trop vivant, trop humain, encore. Il ne savait rien de la vie, ne savait rien de sa vie mais ne s'empêchait pas de critiquer et chercher la petite bête. Kaiko avait beau être gentil, au bout d'un moment le bouchon est trop poussé et il finit par exploser. Mais i lest vrai qu'avec Jun Su, le bouchon était un peu plus près du bord que d'habitude. Le vampire le haïssait jusqu’au plus profond de son âme. Il n'était qu'une petite vermine qui n'aurait jamais dû naître. Et pourtant, voilà où il en était, l'aidant à se remettre de ses blessures et de son enfermement. Il en devrait pas, ne tournait pas rond. Mais comment pouvait-il ? Son monde avait cessé de tourner rond le jour où elle avait disparu.

Jun Su semblait s'inquiéter pour lui, vu les questions qu'il lui posait. Le sang-pur s'était arrêté et tournait le dos au Tengu qui parlait. Les mots de ce dernier s'ancraient en lui, lentement mais sûrement, alors que son cerveau réfléchissait. Devait-il dire la vérité ? Ou plutôt mentir ? Non, dès qu'il remontera à la surface il apprendra ce qui s'est passé pendant son enfermement. Il se dégagea brutalement et le regarda, la fureur éclairant son regard alors qu'il repensait aux paroles précédentes du Tengu. « Tu as tout perdu ? Oui. Tout. T'es seul. Mais tu vis dans le passé. Tu ne veux pas de futur, alors ta solitude, tu peux te la mettre là où je pense. Tu as le choix, tu es maître de ton destin, toi. Alors ne viens pas m'ennuyer avec tes histoires de « oh je suis si seul ». Tu le veux. »

- Tu vas être content, Crystal n'est plus là ! Et tu sais ce qu'est le mieux pour toi dans l'histoire ? Elle s'est faite tuée. Ce qui veut dire que tu avais raison, je suis seul.
Il avait subitement à nouveau envie de le frapper, encore et encore jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer sans souffrir, que son beau visage soit déformé à jamais et qu'il ne parvienne plus à sourire. Il ne voulait plus jamais entendre sa voix si ça signifiait entendre encore et toujours ses moqueries. Il avait tellement envie de le frapper.
- Tu sais quoi ? Si tu le souhaites tu peux te barrer, j'en ai plus rien à foutre de toi. Je serai encore plus seul, comme ça, tu auras encore plus raison.

Il était réellement seul. Mais son cerveau semblait décider à ne pas l'accepter, pas entièrement en tout cas. Ses yeux avaient beau se remplir de larmes, il ne se montrerait pas faible devant Jun Su, jamais. Il connaissait les Chasseurs et savait que s'il paraissait trop faible, il se ferait tuer. Mais n'était-ce pas une meilleure solution, dans un sens ? Ainsi, il serait à nouveau auprès des personnes qu'il aimait. Peut-être qu'il serait moins seul et plus heureux, ainsi. Kaiko ferma les yeux alors qu'un sanglot menaçait de remonter sa gorge. Jamais.

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