Le jeune homme releva la tête, paniqué. Les yeux grands ouverts et la respiration haletante, il chercha frénétiquement ses repères dans le noir. Touchant tout autour de lui, il rencontra un autre corps, chaud et enfoui sous les couvertures. Une autre vague de nausée le prit et il quitta le lit en pleine détresse, rejoignant les toilettes. Il n'avait pas fait attention au fait qu'il venait de réveiller l'autre personne, tout ce qui comptait était qu'il était en train de vomir, encore une fois. Au fond, si cela n'avait été qu'une simple gueule de bois, il ne s'en aurait pris qu'à lui. Si cela n'avait été qu'un rhume passager, il serait allé se recoucher tranquillement après avoir prit ce qu'il fallait. Mais ce n'était rien de tout ça. C'était bien pire. La tête entre la cuvette, les mains agrippées sur les rebords, le jeune homme essayait de toute ses forces de retenir ses larmes. Mais la douleur était trop forte et ce fut avec déplaisir qu'il constata qu'il commençait à se laisser aller. Encore une fois.
« Louis ? Ça va ? »Tournant la tête d'un seul coup, le dénommé Louis fut heureux de constater qu'il ne ressentait plus de vertiges. Enfin, beaucoup moins qu'avant, se réconforta-t-il. Il hocha la tête pour répondre à la question de son petit-ami. Il allait bien. Il allait toujours bien. Prenant un morceau de papier toilette, Louis s'essuya la bouche, se leva et tira ensuite une nouvelle fois la chasse d'eau. Ce fut avec joie qu'il accueillit ensuite la brosse à dents et le dentifrice que lui tendait Maxime, son petit-ami. Une fois qu'il fut débarbouillé, ils retournèrent ensemble se coucher, se blottissant l'un contre l'autre. Le réveil indiquait déjà huit heure du matin et, dans un soupir résigné, Louis prit la parole.
« J'ai un rendez-vous aujourd'hui. À dix heures. »Baissant la tête pour regarder Louis, Maxime se mordit les lèvres, continuant de caresser les cheveux de l'autre jeune homme. Il ne demanda pas s'il souhaitait qu'il l'accompagne : il connaissait déjà la réponse. Et celle-ci était toujours la même : non. Il n'insistait maintenant plus et laissait, comme toujours, l'eau couler sous les ponts.
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Il était maintenant onze heures et demi et Maxime attendait patiemment dans la cuisine le retour de Louis. Celui-ci l'avait appelé une demi-heure avant, lui indiquant qu'il avait terminé et qu'il rentrerait rapidement. Sa voix n'avait rien exprimé et cela effrayait Maxime. Passant une main dans ses cheveux brun, il se releva d'un seul coup lorsque la porte d'entrée claqua. Louis était rentré. Marchant de façon rapide jusqu'au salon, Maxime prit immédiatement son homme dans ses bras, fermant hermétiquement les yeux. Les sanglots de Louis résonnaient dans l'appartement presque vide, et, après avoir reniflé, il se décolla de son petit-ami.
« C'est toujours là. La chimio n'a pas fonctionné, la tumeur est toujours là. »Ne disant pas un traître mot en réponse, Maxime reprit Louis dans ses bras, le berçant doucement. Pourtant, au fond de lui il ne ressentait que de la colère et de la haine. Après avoir enduré des mois et des mois de chimiothérapie, cela n'avait pas fonctionné. Son petit-ami, son Louis était toujours malade. Pourtant, il refusant de voir la vérité : Louis ne mourra pas. Et, comme s'il avait lu dans ses plus profondes pensées, le jeune malade secoua délicatement la tête.
« Si Maxime. Si. Je vais mourir chéri, je vais mourir. »Ce fut la dernière phrase qu'il put dire avant que Maxime le fasse taire dans un tendre baiser. Il ne voulait pas y penser et la seule manière d'oublier, c'est de se perdre à deux.
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Deux mois étaient maintenant passés et dans le couple, tout allait mal. Pas de disputes. Pas de querelles. Juste un sentiment d'abandon. Obligé de rester H24 chez eux, Louis passait son temps sur le canapé, fatigué et beaucoup trop calme. Maxime passait la plupart de son temps dehors, ne rentrant que très tard après que toutes les lumières soient éteintes à l'appartement. Louis ne dormait plus dans la même chambre que Maxime, sous la demande de celui-ci. Au début, cela avait profondément blessé Louis et même si maintenant il le cachait, ça lui faisait toujours autant de mal. Il ne comprenait pas pourquoi son petit-ami refusait de dormir avec lui. Sa maladie n'était pas transmissible et même si cela était le cas, il avait encore du mal à l'accepter. Maxime ne lui avait-il pas promis qu'il serait toujours là pour lui ? Et ce, qu'importe ce qui arriverait. Ils devaient se marier, vivre heureux. S'aimer dans la maladie, c'est un point important dans la promesse faite devant Dieu. Et pour Louis, cela ne fait que lui prouver une chose : Maxime ne l'aimait pas assez pour se battre pour lui. Avec lui. Fermant les yeux, le jeune homme se laissa aller dans les bras de Morphée une fois qu'il fut certain que son homme était rentré.
Maxime était enfin rentré et il était maintenant une heure du matin passée. Fermant la porte doucement, il retira ses chaussures, marchant sur la pointe des pieds. Il passa devant la porte de la chambre d'amis où Louis dormait et vivait depuis presque deux mois et demi. Refermant silencieusement la porte après avoir fixé quelques secondes le corps endormi de son fiancé, il partit se coucher le cœur lourd. Il ne comprenait pas réellement pourquoi mais il avait comme un mauvais pressentiment. Chassant ses pensées au loin, il ferma les yeux à son tour, s'endormant rapidement à cause de la fatigue et de l'alcool ingurgité plus tôt.
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Trois mois. Trois mois que les couple vivait l'enfer et cette fois-ci, plus rien n'allait vraiment entre eux : les disputes étaient fréquentes et malgré tout les efforts venant des deux, la situation ne s'arrangeait pas. Maxime ne vivait presque plus chez eux et Louis le prenait très mal. Il était devenu irritable depuis deux semaines : ses cheveux avaient commencé à tomber, il se sentait de plus en plus faible et la douleur était insupportable. Mais il ne disait rien et se taisait, regardant dans faire de bruit les allés retour de Maxime. Au fond de lui, Louis pensait que peut être, en fin de compte, tout était mieux comme ça.
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« Vous êtes bien sur la messagerie de Maxime Grey, laissez un message après le bip, merci. »
Refusant une nouvelle fois l'appel venant de Louis, le jeune homme se concentra sur ce que sa mère lui disait. Celle-ci le regardait comme si il était un extraterrestre et un sentiment de colère prit place dans le corps de Maxime. Prenant une grande inspiration au moment où sa mère s'arrêta de parler, sa jambe droite commença à bouger de haut en bas.
« Quoi ?! Arrête de me regarder comme ça maman, parle moi. »« Pourquoi tu lui réponds pas ? Ce n'est pas comme ça que vos problèmes vont se régler tu sais. »« Je ne sais plus quoi faire, j'ai l'impression qu'on est en train de se perdre. »« Commence par répondre à ses appels chéri. Tu verras, c'est déjà un petit pas. »Hochant la tête, le jeune homme prit son téléphone et chercha le nom de son petit-ami dans ses derniers appels. Prenant son courage à deux mains, il appuya sur le bouton appel. En quelques secondes il reçut une réponse mais la voix qui lui répondit n'était pas celle de Louis. C'était celle de quelqu'un d'autre.
« Oui allo bonjour ? Monsieur Grey ? C'est l'hôpital de Saint-Georges, votre... fiancé y a été admis il y a environ deux heures. Vous êtes la première personne a appeler en cas d'urgence. »
« Je... D'accord, merci. Est-ce qu'il va bien ? »« Je ne peux pas vous en parler au téléphone, désolé monsieur. »
« Oh, je serais là bientôt dans ce cas... au revoir madame. »« Au revoir monsieur, bonne journée. »
Maxime ferma les yeux, chassant toutes les mauvaises pensées qui venaient tout d'un coup prendre place dans sa tête. Son petit-ami était à l'hôpital et il n'était pas là pour le soutenir. Il n'avait pas été là pour aider son fiancé, tout était de sa faute. La voix de sa mère le réveilla, le sortant de sa torpeur.
« Qu'est-ce qui se passe Max ? Quelque chose de grave s'est passé ? »« Louis a été admis à l'hôpital. Et je n'étais pas là. » ☼
Maxime regardait son petit-ami qui était allongé dans ce lit d'hôpital, le visage presque aussi blanc que les draps et les murs. Ses cheveux, d'un blonds cendrées toujours aussi magnifique que la première fois, étaient emmêlés et cela attendri immédiatement Max. Son regard passa sur les paupières de Louis, puis il descendit sur ses joues, ses lèvres pour enfin terminer sur ses bras qui étaient les seules autre partie de son corps qui ressortaient des fines couvertures blanches. Pourtant quelque chose manquait à ce spectacle que Maxime adorait : les yeux bleus de Louis, si profonds, si expressifs. Quelque chose agrippa soudainement sa main et ses yeux rencontrèrent ceux de Louis. Ses yeux bleus étaient las et fatigués, comme si plus rien au fond de lui ne lui donnait la force de se battre. Fronçant les sourcils, Maxime se fit une promesse : il sera sa force. Plus jamais il ne sera lâche au point d'abandonner Louis à son sort, seul face à la mort et à l'incertitude. Se baissant, il déposa un bref et léger baiser sur les lèvres pâles de son fiancé.
« Je suis de retour, Lou. Je suis de retour. Maintenant, on va se battre à deux. Toi et moi contre le monde, toi et moi contre la maladie. »☼
Allongé, immobile, Louis fixait son petit-ami qui dormait encore, les traits tendus. Il savait que c'était de sa faute, il savait que Maxime était fatigué parce qu'il était maintenant le seul à ramener un revenu chez eux pour payer leur loyer. Et, pensant à cela, Louis se sentit encore plus coupable. Tout état de sa faute, à cette foutue maladie. Tout.
☼
« J'ai fais une liste hier soir. »Maxime, qui était en train de travailler sur un dossier, releva la tête, interrogeant du regard Louis qui venait de s'asseoir en face de lui, une feuille dans la main droite.
« Une liste de ? »« Des dix choses que je veux faire avant de mourir. »La phrase jeta un certain froid dans la pièce et, se figeant, Maxime ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir, fixant son petit-ami dans les yeux.
« Et on commence par quoi ? »☼
ONE. Faire du saut à l'élastique.
« T'es prêt chéri ? »« Je sais pas trop en fin de compte... »Louis, attaché à Maxime, regardait le vide qui se trouvait sous lui, se disant soudainement que ce n'était peut être pas une si bonne idée. Et si la corde lâchait ? Et si ils étaient mal attachés ? Une main vint se poser délicatement dans son cou, et, jetant un dernier regard au médecin se trouvait sur le bord en cas d'urgence, il tourna le regard vers Max.
« Louis ? On peut tout arrêter si tu veux, si tu te se- »« Non. Je suis prêt à sauter. Pas à mourir. »Enlacés et les yeux fermés, les deux amants se laissèrent tomber dans le vide dans un cri de peur et de joie. Pour la première fois depuis des mois, ils se sentaient vivant.
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TWO. Aider dans un refuge pour sans-abri.
« Bonjour ! Je suis Louis et aujourd'hui je suis ici pour vous tenir compagnie et vous êtes...? »« Hm, Frank, gamin. Qu'est ce qu'un jeunot comme toi fait ici ? »Louis sourit tristement et montra du doigts le foulard qui couvrait le haut de sa tête, où les cheveux commençaient à partir en masse. L'homme qui devait avoir la soixantaine fronça les sourcils puis un sourire triste vint se former sur ses lèvres. Il n'y avait pas de pitié dans se yeux, juste de l'incompréhension pure.
« C'est toujours les bons qui partent en premier. »« Oh vous savez, un jour j'ai fait sauter un mélange louche dans ma classe de physique. Sur mon prof. Ça doit être le karma, c'est fort ce genre de truc ! »L'homme ne dit rien, n'osant briser le sourire léger qui avait pris place sur le visage du garçon. Et même s'il ne le connaissait pas, il aurait tout fait pour être à sa place.
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THREE. Changer la vie de quelqu'un.
« Tu peux la rayer celle là. »« Pourquoi ? »Le jeune homme regarda tout le monde dans le petit salon : son père, ses trois petites sœurs, ses amis et Maxime étaient tous là, réunis. Une des sœurs de Louis se leva, s'approchant doucement de lui tout en essayant de ne pas pleurer.
« Parce que tu as déjà changé nos vies. »Surprit, le jeune homme ne dit rien puis sourit en voyait sa sœur pleurer. La prenant délicatement dans ses bras, Louis renifla et rouvrit les yeux, regardant les autres personnes présentes.
« Merci. »☼
FOUR. Manger un piment.
« C'est ridicule Louis. »« Non, je veux le faire, donne moi ce piment tout de suite ! »Résigné, Maxime tendit le piment à son petit-ami, qui hésita seulement quelques secondes avant de croquer dedans. Et cela ne prit aussi que quelques secondes avant que Louis, la bouche en feu, ne se mette à trottiner dans tout l'appartement, criant à l'aide, un verre d'eau à la main. Maxime rit doucement, et prit un morceau de mie de pain, la fourrant dans la bouche de son fiancé qui s'arrêta de crier quelques instants pour avaler.
« Ça pique ce truc. »« Ça pique juste ? »« Bon d'accord, ça arrache la gueule. »Secouant la tête devant l'air frustré et têtu de Louis, Max le frappa sur la tête et jeta le morceau de piment à la poubelle, écoutant amoureusement les bougonnements de l'autre.
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FIVE. Ne pas mourir vierge.
« Tu n'es plus vierge, Louis. Depuis longtemps maintenant. »« Chut, c'était pas prévu que je sois dévergondé avant de mourir. »« T'as fais la liste y a même pas deux semaines... »Un coup d'oreiller, puis deux et la conversation se termina sous une note joyeuse malgré la situation qui pesait sur les épaules des deux jeunes hommes.
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SIX. Partir sans payer d'un restaurant.
« C'est une mauvaise idée tu sais. »« Mais non, t'es juste un rabat-joie. »« Et si on se fait attraper ? »« Rooh, tais toi ! Et suis moi. »Haussant les épaules, Maxime mit sa veste et, comptant jusqu'à trois, partit en courant derrière Louis qui riait tout seul. Prit dans son moment, celui ci ne remarqua pas le regard complice échangé entre le serveur et Maxime. Parce que oui, jamais Maxime ne serait partit sans avoir payé tout en sachant que Louis courait aussi vite qu'une limace.
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SEVEN. Caresser un phoque.
« Et si il me mord ? »Riant, Maxime secoua la tête tout en s'approchant de son petit-ami.
« S'il te mord, t'aurais mal, c'est tout. »« Idiot. »Frappant Max, Louis approcha sa main du phoque sous les regards amusés et surpris des clients du zoo. Lorsque sa main toucha l'animal, il sursauta quelque peu puis il sourit, caressant le phoque doucement mais avec assurance.
« Je vais t'appeler Roger, ok monsieur le phoque ? »La main sur le dos de Louis, Maxime ne s'arrêtait de sourire, regardant l'homme de sa vie parler avec un phoque qui le fixait comme s'il était fou. En cet instant, Max ne pouvait pas plus aimer son fiancé.
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EIGHT. Visiter le Canada.
« HEY MAX ! Regarde là-bas ! »Montrant du doigts un endroit précis, Louis fixait joyeusement les montagnes qui se dressaient devant lui, son bonnet bien enfoncé jusqu'à ses oreilles. Maxime arriva derrière lui, un appareil photo dans les mains, et immortalisa le moment.
« Magnifique. », murmura-t-il et personne ne savait s'il parlait du paysage ou de son petit-ami.
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NINE. Faire une course de caddies.
« Prêt...feu, partez ! »Poussant le caddie où se trouvait Louis, Maxime bouscula le père de son petit-ami, faisant dévier la trajectoire du caddie où se trouvait la fille de celui-ci, donc la sœur de Louis. Riant, Louis prit ce qui se trouvait sous sa main et le jeta sur sa sœur qui poussa un petit cri en recevant un paquet de mouchoir sur la tête.
« Tu vas le payer Louis ! »Tirant la langue tel un enfant, le sus-nommé évita une peluche qui passa au dessus de sa tête mais se prit la prochaine en pleine tête.
« Cherche pas, on va gagner, perdante va ! »Personne ne sut jamais qui avait vraiment gagné cette course. Même si tout le monde se mettait d'accord pour donner ce moment de gloire à Louis.
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TEN. Être avec Maxime jusqu'au bout.
« LOUIS, t'as pas le droit, t'as pas le droit ! Reviens bordel de merde ! »La mère de Maxime, allié avec le père de Louis, faisait tout son possible pour retenir son fils de se jeter sur la forme immobile de son fiancé, allongé sur le lit d'hôpital.
« Je suis désolé. »Maxime, brisé, tomba à genoux, serrant la main de Louis.
« Je t'aime. »