Retrouvaille inattendue

Il devait être près de midi lorsque je sortais du boulot, les mains dans les poches et l’air satisfait. Pour une fois qu’on ne m’avait pas considéré comme un pauvre gosse à exploiter, les choses allaient pour le mieux. Bien qu’entouré d’une équipe ayant deux mains gauches et étant aussi pitoyables que pouvaient l’être des humains de leur rang, je n’avais pas détesté le travail demandé. Il fallait dire que j’arrivais toujours avec une facilité déconcertante à refiler la plus laborieuse partie du travail à mes « hyungs » adorés…

Et, alors que je sortais prendre ma pause de midi, je ne fus que peu étonné lorsqu’un de mes charmants collègues me rattrapa avant de me demander s’il je voulais manger quelque part avec lui, dans un cadre –bien évidemment- purement professionnel. C’était ridicule. Les rumeurs couraient déjà bon train, et beaucoup de monde avait déjà pour dires que j’étais « peut-être » de l’autre bord. Il était donc tout à fait impossible qu’il n’en avait pas eu vent…
Je lui souriais puis acceptais son invitation en feignant l’enthousiasme. Je ne comprenais vraiment pas leur délire de « vouloir se taper le jeune stagiaire de l’agence »…mais après tout, je ne pouvais rien attendre d’une bande de vermine.
Lorsqu’il me demanda ce que je voulais manger, mon sourire redoubla. La question était pour le moins stupide, non ? Tout ce que je demandais à consommer, lui seul pouvait me l’offrir…

Je ne sais pas où il comptait m’emmener, mais nous nous trouvions dans un centre commercial. Il m’avait tanné tout le long du chemin, m’assurant qu’il connaissait un endroit fantastique où la nourriture était particulièrement bonne. Je l’écoutais d’une oreille distraire, mon regard oscillant de la foule qui nous entourait à son visage. Il n’était pas laid, ça je ne pouvais pas le nier. Mais il n’était pas « comme j’aurais aimé qu’il soit ». Son front me paraissait trop haut, ses yeux trop petits et son nez trop long. Bref, dans tous les cas, on pouvait mieux faire. Voire beaucoup mieux, me surpris-je à penser en visualisant un visage que je ne connaissais que trop bien.
« Ahahah…ni pense même pas. »
Je battis vivement des cils, chassant cette image de ma tête. Effectivement, je n’avais pas e droit de me soucier de lui. Plus maintenant. Cela faisait près d’une semaine que je l’avais –disons-le clairement- jeté comme une ordure, et, étrangement, je n’arrivais pas à enlever cette sensation de malaise. J’avais stoppé les choses juste avant de dégénérer, et savais que c’était « bien ». Mais d’un certain côté, un côté bien trop humain pour que je ne puisse le tolérer entièrement, je m’en voulais. Affreusement même. Je ne pouvais m’empêcher de repenser à ce que je lui avais si brutalement craché à la gueule, des propos si perfides que je lui avais tenu…
Non, ce n’était définitivement pas le moment de penser à cela.

Je m’agrippais au bras de mon « collègue », lui décrochant un petit sourire charmeur. J’avais bien le droit de montrer des signes d’affection à mon « Hyung chéri », non ?
C’était vraiment plus qu’écœurant de me voir agir de cette façon.

Alors que nous discutions tranquillement, je le sentis se tendre soudainement et faire quelques pas en arrière. Je levais la tête vers lui et lui jetais un regard interrogateur avant de sentir arriver la gifle.
Il n’eut qu’un bruit sourd, un bruit sec et cinglant. Suivit de violents picotements qui se propagèrent à toute allure le long de ma mâchoire.

- J’avais imaginé tellement de choses que j’aurais pu te cracher à la face comme tu l’as fait avec moi ce jour-là. Mais je pense que ma gifle à tout dit, ou presque.

Je n’eus même pas besoin de le regarder pour savoir à qui appartenait cette voix calme, inexplicablement teintée d’une rage folle.
Min Ho.

Mon compagnon s’apprêtait à réagir avant que je ne le stoppe d’un geste de la main.

- Laisse tomber pour ce midi, on se voit plus tard, lui lançais-je d’une voix blanche sans même lui jeter un regard.

Cette baffe, on pouvait dire que je l’avais attendu depuis un petit moment. D’un certain côté, c’était presque soulageant de la recevoir.
Sans réfléchir, je l’attrapais par le bras, le menant dans un coin peu fréquenté du centre commercial, l’acculant contre un mur. Je plongeais sans gêne mon regard dans le sien, remarquant avec surprise que ses yeux étaient légèrement humides. Il était sur le point de pleurer ?
Je lui lâchais le bras, desserrant ma poigne de fer autour de sa peau. J’y étais allé peut-être un peu fort…

- Où est-ce que tu as vu que tu peux frapper mon précieux visage ?demandais-je doucement, tentant de faire de l’ironie.

Je soupirais, mal à l’aise. Je l’avais blessé à ce point ?... C’était le but, mais d’un certain côté, j’aurai aimé que cela ne soit pas le cas…

- Min Ho…commençais-je sans vraiment savoir quoi dire. Je…je suis désolé, il faut que tu me crois… Je suis sincèrement désolé…murmurais-je dans un souffle.