Il m’avait fixé avec amusement, se délectant sans l’ombre d’un doute de ma réaction. Oui, je sais, pour le coup, j’avais merdé en m’emportant de la sorte…mais quand même… Pouvoir penser ne serait-ce qu’un seul instant que je sois jaloux…était tout simplement ridicule. Mais au plus profond de mon être, une voix particulièrement détestable me souffla le contraire ; je l’étais bien plus que je n’aurai voulu l’admettre. Et c’était malheureusement vrai…je n’avais jamais aimé partager, et devenais trop souvent possessif, surtout lorsqu’il s’agissait de jolis jeunes hommes. Je voulais que l’on me regarde, moi, et moi seul. J’avais besoin de cela.
Min Ho ne semblait pas faire exception à la règle. Dès l’instant où il avait « accepté » de rentrer dans ce jeu idiot, il était devenu, en quelque sorte, ma propriété. Et rien ni personne n’avait le droit de me le soustraire.

Mais ça, je ne voulais pas qu’il le sache…

- Oui oui. Bonne douche, l’entendis-je répondre alors que je claquais derrière moi la porte de sa salle de bain.

Je fermais à clef derrière moi avant de me laisser glisser le long de la porte, vidé de toute mon énergie. Mais qu’est-ce qui lui avait pris de me sortir ça ?...titiller un pauvre mec ayant une bonne gueule de bois dès le réveil n’était vraiment pas la meilleure chose à faire… J’avais l’impression d’avoir utilisé le peu de force que j’avais pour lui crier dessus et monter illico-presto à l’étage avant de m’effondrer comme une loque.
C’était du propre.
Je passais fiévreusement une main sur mon visage, me promettant pour la énième fois de ne plus jamais me bourrer la gueule de la sorte. De un, ce n’était sûrement pas le meilleur état dans lequel je pouvais être, et de deux, c’était bien plus que mauvais pour mon image… Pour le coup, je n’osais même pas croiser mon reflet dans une glace.

Je me redressais faiblement avant de me déshabiller et d’entrer dans la douche. Au contact de l’eau chaude sur ma peau, quelques frissons me parcoururent l’échine. Ce n’était vraiment pas désagréable après une telle nuit... J’avais grand besoin de laver mon corps, le débarrasser de toute la crasse qui –me semblait-il- le couvrait. Je devais retrouver un peu de fraîcheur, éradiquer l’horrible nausée qui me prenait depuis le réveil. Et vite.

Après de longues minutes je me décidais enfin à sortir, coupant l’eau presque à regret. Je me sentais telle-ment bien, et cela me semblait si relaxant… J’attrapais une serviette pour me sécher, ébouriffant mes cheveux d’un bref coup de main. A présent de meilleur humeur, je me rhabiller en vitesse, laissant échapper un soupir de contentement. Mon corps me semblait bien plus léger à présent, comme revigoré. Je me regardais dans le miroir, tenant de mettre un semblant d’ordre dans mes cheveux dégoulinants d’eau. Même mon visage était un peu plus détendu.

Sortant de la pièce, je m’apprêtais à le rejoindre, lorsque je me souvenais que je me trouvais toujours torse nu. Je faisais donc demi-tour et entrais dans sa chambre à la recherche de mon T-shirt. Et alors que je me baissais pour le ramasser, mon regard se posa son armoire. Un sourire espiègle étira aussitôt le coin de mes lèvres. « Tiens tiens… »

- Je peux t’emprunter un de tes hauts ?lui criais-je depuis l’étage, une note de malice se mêlant à ma voix. Je crois que j’ai salis le mien hier !

Je n’avais même pas attendu sa réponse pour ouvrir l’un des tiroirs. Ce que je voulais, je le prenais.

Il m’avait regardé avec amusement et c’était tourné vers moi, nos visages plus que proches l’un de l’autre. Je n’avais pu m’empêcher de baisser les yeux, incapable soutenir son regard pénétrant.

- C’est vrai que ça pourrait arriver. Mais… personne ne fait jamais quelque chose « sans faire exprès » à mon avis.

« Ohoh…si tu savais… »pensais-je avec une certaine exaspération. En effet, il n’était pas rare que certains vampires, victimes de leurs pulsions, attaquaient sans le vouloir de « malheureux » humains. Mais je ne pouvais réellement lui donner tort dans mon cas. J’étais suffisamment et régulièrement nourri pour ne pas sauter sur le premier venu par simple besoin primitif. Mais on ne savait jamais, surtout –comme je lui en avais fait la remarque- qu’il se montrait un peu trop imprudent. Qui aurait pu envisager l’idée même de ramener chez lui un vampire ivre mort, et encore plus de le faire ?...Min Ho, évidemment. Oui, ce gamin ne semblait définitivement pas me prendre au sérieux, mais c’était une chose qui m’intéressait grandement. A jouer avec le feu, il finirait par se brûler…

- T’as vu ça ? Ça détend vachement, me répondit-il dans un sourire.

Peut-être trouvait-il lui aussi que j’avais meilleure mine ?
Alors que je m’étais levé et lui avais déballé mon char d’enfant gâté, il se mit à rire pour, finalement, hausser les sourcils, suspicieux. Alors comme ça, il doutait de ma bonne foi ? Bon…d’une part, c’était peut-être compréhensible… N’avais-je d’ailleurs pas voulu moi-même tenter une quelconque farce dans sa chambre ? Tss…je devenais tellement prévisible que c’en était frustrant.

- Ah ouais ? Mh bah de toute façon ça sert à rien de le dire, ce n’est pas comme si… Voilà quoi.

Pas comme si ? Pas comme s’il en avait quelque chose à foutre, c’est ça ? Mais oui, mais oui…j’allais bien évidemment le croire.
Je prenais un air peur convaincu, faisant la moue. Ce n’était pas marrant s’il ne voulait même pas avouer la vérité…

- Bien, dans ce cas ça ne fait rien si j’ai peut-être mis un peu de désordre dans tes vêtements ?demandais-je en prenant une expression la plus innocente possible.

J’esquissai un sourire narquois, les commissures de mes lèvres se redressant légèrement pour laisser entrevoir mes deux petits crocs. On allait voir maintenant s’il était aussi détaché qu’il prétendait l’être.
M’approchant à nouveau de lui, je lui soulevais le menton pour m’obliger à me regarder dans les yeux. Il n’avait pas répondu à ma précédente question –qui n’en était pas vraiment une- et je voulais fortement entendre la réponse son adorable petite bouche. Peut-être était-ce par soucis d’égo, mais je voulais vraiment l’entendre confirmer mes propos.

- Evidemment que tu me trouves mignon, n’est-ce pas ?lui dis-je de but en blanc, mon regard ne se détachant pas du sien.

Je ne détestais pas la façon qu’il avait de rougir à certaines de mes paroles et les petits regards en coin qu’il me lançait. Je ne détestais vraiment pas cela. J’aimais savoir que je n’étais pas déplaisant à regarder. J’aimais tout simplement plaire, sentir sur moi les regards que certains me lançaient au détriment des filles. C’était un jeu exaltant, une chasse indirecte qui mettait en scène deux acteurs, chacun tournant autour de l’autre pour finalement l’attaquer. Or, j’attaquais le plus souvent et ce, au sens propre du terme. J’avais même l’horrible manie capricieuse de me lasser extrêmement vite. Dès qu’un jouet n’était plus amusant, je le jeter pour le remplacer par un nouveau.
Mais Min Ho était différent d’eux tous ; lui, je n’avais même pas pu le consommer une seule fois…

A l’instant même où je lui avais posé ma question, Min Ho se mit à rougir plus que violemment. Je ne pus retenir un sourire jubilatoire, satisfait de cette réaction. La réponse était évidente, pas vrai ?

- Pourquoi tu demandes ça tout d’un coup ? T’as pas besoin de savoir ce que je pense de toi, lâcha-t-il en détournant les yeux.

J’inclinais légèrement la tête sur le côté, amusé. Il ne voulait donc pas me le dire ?
Il n’arrivait même plus à soutenir mon regard, ce qui trahissait ses véritables pensées. Et, après tout, ne me l’aurait-il pas dit clairement s’il me trouvait repoussant ? J’étais même certain qu’il ne m’aurait pas amené chez lui de la sorte si je lui déplaisais à ce point. Peut-être avait-il eut –l’espace d’un instant- quelques arrières pensées ? Intérieurement, je priais pour que cela soit le cas.

Je voulais le pousser un peu plus loin –si ce n’était pas à bout- et voir jusqu’où il pouvait tenir me tête. Et, il fallait bien dire que je trouvais ses réactions extrêmement plaisantes, ce qui n’arrangeait en rien la chose… Quand allait-il donc s’avouer vaincu et m’offrir sa gorge ? Le jeu ne pouvait pas durer éternellement –surtout qu’il n’avait pas toute l’éternité devant lui- et il fallait bien se rendre à l’évidence ; de nous deux, il était celui qui craquerait.

Je m’apprêtais à lui répondre, lorsqu’il me devança.

- Et puis t’as même pas besoin de poser la question puisque tu le sauras dans un moment… Malheureusement, ajouta-t-il bien plus bas, sur un ton boudeur.

« Quoi ? »
Je le regardais, surpris. Que voulait-il dire par là ? Comment pouvais-je le savoir « dans un moment » ? Il allait enfin se décider à me le dire ? Ou peut-être allait-il enfin répondre à mes attentes ?

Je lui relevais un peu plus le menton, approchant mon visage du sien, les sourcils froncés. S’il croyait un instant que cette phrase allait soudainement mettre fin à mes interrogations, il se trompait lourdement. Ma curiosité venait même de s’accroître d’une manière phénoménale.

- J’ai encore le droit de savoir ce que tu penses de moi, non ?répondis-je avec une certaine fermeté. Et que veux dire ce « tu le sauras dans un moment » ? Tu comptais déjà me donner ta réponse ?

M’assaillant de nouveau à côté de lui, je passais un bras autour de son cou, bien décidé à le faire craquer. De toute façon, j’étais presque certain qu’il atteindrait bientôt sa limite.
Non, disons plutôt que je le voulais.

- Tu acceptes enfin que je te morde ?minaudais-je en approchant un peu plus mon visage de son cou. Ça me faciliterait les choses si tu le disais clairement, tu sais ? Et puis c’est que je commence à avoir les crocs, moi…

Je lui caressais la joue d’une façon taquine, pris par une soudaine confiance en moi. Je savais parfaitement que je ne le laisserai pas indifférent, et que Min Ho avait de plus en plus de mal à me cacher ses émotions. Mon instinct de prédateur reprenait peu à peu le dessus, il fallait croire que ma gueule de bois venait de disparaître subitement et ce, pour mon plus grand plaisir.

- Et ne comptes même pas esquiver la question…

Min Ho s’était soudainement tendu à mon contact, déglutissant avec difficulté. Petit à petit, je savais que je l’acculais, qu’il ne pourrait plus longtemps me tenir tête par son indifférence. Je me sentais retrouver la place qui me revenait de droit ; celle du prédateur. Et lui était ma victime.

- Non !cria-t-il soudainement en me repoussant.

Surpris par cette réaction, je basculais en arrière avant de m’étaler sur le dos. Qu’est-ce qui lui prenait de réagir aussi violemment ?... Il trouvait que je poussais les choses trop loin ?
Il sembla perdre lui aussi l’équilibre car il retomba sur moi. Son visage presque collé contre le mien, je ne pus que remarquer qu’il était devenu rouge comme une pivoine. C’était bien son genre de nier des choses que son visage exprimait plus que clairement…
Je le regardais sans rien dire, sentant sur ma peau sa respiration saccadée. Il était nerveux à ce point ?..
Je m’apprêtais à me redresser lorsqu’il se pencha doucement vers moi, ses lèvres rencontrant les miennes. Je restais un dixième de seconde pétrifié, paralysé par une stupeur sans nom. Je ne m’attendais à tout, mais vraiment pas à ça. Absolument pas, non.

De délicieux frissons me parcourant l’échine alors que je fermais les yeux, répondant à son baiser. La sensation qui parcourait mon corps n’était pas déplaisante. Vraiment pas. Cela faisait même un petit moment que ce genre de chose ne m’avait pas décroché la moindre réaction… Peut-être était-ce dû au fait qu’il s’agissait de lui et qu’il venait de me prendre par surprise ?
On pouvait dire que j’avais plus ou moins ma réponse maintenant… « Quand il craque, on peut dire qu’il craque »

Min Ho se détacha de moi, rouvrant les yeux avant de les écarquiller. Je le vis rougir violemment avant de se reculer pour s’asseoir de nouveau correctement sur le canapé. Il venait sûrement de se rendre compte de ce qu’il venait de faire…

- Oui fin bon ça ne veut pas dire que tu peux imposer une quelconque marque sur mon cou hein !débita-t-il à toute vitesse.

Je me redressais sur les coudes, le visage en feu. Me prendre au dépourvu de la sorte m’avait quelque peu déstabilisé... Qui aurait cru que ce serait lui qui ferait ça ?

Il se prit la tête entre les mains, comme perdu. Je fronçais légèrement les sourcils, n’osant encore rien dire. Le jeu commençait à prendre une dimension vraiment importante… Je voulais qu’il craque, et je savais qu’il allait le faire. Mais je ne pensais pas que cela se déroulerait de cette façon. Et encore moi en ce moment.

Je me redressais complètement, remettant un semblant d’ordre dans mes cheveux désordonnés. Que faire maintenant ? Devais-je lui sauter directement au cou et le mordre sans retenu ? Min Ho savait parfaitement ce qu’engendrait ce genre de comportement, cela faisait partie de la règle du jeu après tout. Mais quelque chose me disais qu’il ne voulait absolument pas subir la punition du perdant. Oui, on pouvait bien dire qu’il était le perdant à présent.

- On peut dire que c’est une excellente façon de ne pas avoir à répondre à une question…ironisais-je en passant distraitement la langue sur mes lèvres.

Je me rapprochais de lui, de sorte à me retrouver presque collé contre ses côtes. Il était aussi désemparé que cela ?.. Posant mon menton sur mon épaule, je lui murmurais à l’oreille d’une façon joueuse :

- Tu ne veux vraiment pas m’offrir ton cou ? Je ne te ferais pas mal, tu sais…je peux me montrer doux de temps en temps…

Je soupirai. Non, je ne voulais vraiment pas le mordre de force. Il fallait qu’il comprenne que je ne lui voulais absolument aucun mal…
Je voulais juste…juste l’avoir pour moi tout entier ?...

- Tu as peur ?repris-je avec sérieux.

- Pourquoi tu me demandes ? C’était ça les termes de notre jeu. J’ai…Perdu…

Mon sourire s’accrut alors qu’il disait ces mots. Enfin. Il reconnaissait enfin qu’il avait perdu et que j’étais le seul vainqueur. C’était évident, après tout. Je ne pouvais pas perdre à ce genre de chose, surtout si ce n’était qu’une bête histoire de sang et d’attirance. Et puis son petit « pourquoi tu me demandes » ne me déplaisait pas. Il semblait rapidement s’être mis dans la peau du dominé, ce qui me faisait jubiler. Min Ho insinuait-il enfin que je pouvais lui faire tout ce que je voulais ?

A ma dernière question, il se tourna vers moi, un petit sourire au coin des lèvres. Son regard, toujours aussi intense, ne cessait de me fixer.

- Non. Je n’ai pas peur de toi, murmura-t-il doucement.

Bien. Il n’était peut-être pas si soumis que cela finalement. Mais je m’y attendais. Ce n’était pas parce qu’il acceptait la situation qu’il devait à présent montrer une certaine crainte. Il n’avait jamais eu peur de moi. Alors pourquoi cela aurait-il dû changer ?...

- Tu vas me tuer ?

Cette phrase prononcée avec un semblant de calme et de détermination me surprit fortement. Min Ho pensait-il vraiment que j’allais faire une telle chose ? Bon…il était vrai que ce raisonnement pouvait être justifié de par ma haine envers les humains, mais j’avais pour –mauvaise- habitude d’épargner les hommes que je trouvais « à mon gout ». En l’occurrence, il s’avérait qu’il était justement à mon gout.
Et pas qu’un peu.

Je laissais échapper un petit rire, laissant retomber ma tête contre son épaule. Les choses prenaient une tournure vraiment amusante. Je n’avais encore jamais eu l’occasion de tenir ce genre de propos avec l’une de mes « victimes ». Celles-ci n’avaient jamais eu le temps de comprendre ce qu’il leur arrivait avant de faire une hémorragie souvent mortelle. Oui, Min Ho était un gamin que je trouvais particulièrement intéressant. D’un certain côté, j’aimais la façon qu’il avait de me tenir tête, affronter mon regard sans ciller, me repousser brutalement pour…m’embrasser. Je ne le nierai pas, j’aimais surtout la dernière partie. C’était tout à fait différent de ce que je connaissais, des baisers violents et fugaces de mes autres victimes, échangés avec empressement et brutalité au cours d’une quelconque…distraction ? Le sien avait été particulièrement doux et agréable, me surprenant après une vague de rejet.
Comment aurais-je pu le tuer alors qu’il me procurait de si délicieuses sensations ? A présent, j’en voulais même plus. Beaucoup plus.

- Aaah…je ne suis même pas un tout petit peu effrayant ?répondis-je avec taquinerie.

J’enfouissais mon visage dans le creux de son cou, étant parfaitement conscient du fait que pousser le jeu de plus en plus loin ne le laisserait pas indifférent. Il avait lui-même révéler cette propre faiblesse en s’abandonnant à mes lèvres. Je voulais voir ses réactions, ses joues s’empourprer de rouge, son regard essayant tant bien que mal de fuir le mien alors qu’il savait qu’il ne pourrait pas m’échapper…Oui, je voulais tout cela. La moindre de ses expressions étaient maintenant la mienne.

- Où est-ce que tu vas chercher ça ?ricanais-je. Tu penses que c’est ce que je veux ? Si c’était le cas, je ne me serais pas gêné pour te vider de ton sang dès le début…

J’embrassais doucement la peau tendre de sa gorge, laissant le reste de mes paroles en suspens. Je voulais le faire mijoter encore un peu plus avant de passer directement à l’attaque. Min Ho n’était pas encore stimulé convenablement pour que je le morde sans le faire souffrir, et –raison qui comptait sans doute le plus à mes yeux- je ne m’étais pas encore assez amusé.

- Même la première fois que je t’ai rencontré, je n’ai jamais pensé un seul instant à te tuer…murmurais-je comme pour moi-même.

Je me redressais légèrement, levant mon visage vers le sien et le regardant avec des yeux qui se voulaient attendrissants.

- Dis…

Je retenais mon souffle quelques secondes, moi-même ne savant véritablement ce que je voulais lui dire. Les mots étaient là, tantôt sirupeux, tantôt mesquins, rehaussés par une touche de gaminerie. Je savais les mots que je voulais lui adresser, je savais quelle réaction je voulais de lui.
Mais je ne savais pas ce que, moi, je voulais vraiment.

- …tu peux m’embrasser encore une fois ?

- Pourquoi tu me demandes ça ? Tout devrait être déjà calculé dans tête non ?

Intérieurement, je lâchais un rire dédaigneux. Non. Ça, ce n’était pas calculé. Pas cette fois. Il y avait comme une erreur quelque part, une inconnue que je n’arrivais pas à trouver dans mes calculs. C’était étrange…et déconcertant. Je ne savais absolument plus où je me trouvais.

Il y avait énormément de choses que je voulais. Enormément. Et je me débrouillais toujours pour leur obtenir, usant de la force ou non. Je voulais Min Ho, et je l’avais obtenu d’une façon bien plus facile et rapide que je ne le désirais…mais j’étais dans l’incapacité de pousser le jeu jusqu’à sa fin. Peut-être parce que cela n’en était déjà plus vraiment un ?...

- Parce que le jeu est terminé… Et que maintenant c’est plus un jeu, c’est du sérieux…murmura-t-il, faisant écho à mes pensées.

Je relevais brusquement la tête pour le regarder, choqué. Non, cela ne pouvait se dérouler de cette façon. Je ne pouvais pas le faire. C’était tout simplement écœurant…depuis quand m’était-il permis de me lasser de jouer alors que la « récompense » n’avait même pas été consommée ? Depuis quand pouvais-je considérer ne serait-ce qu’un instant que les choses devenaient « sérieuses » ? Et depuis quand un misérable humain avait-il un semblant d’intérêt à mes yeux, autre que gustatif ou purement charnel ?...
Non, c’était trop révoltant pour être vrai.

Min Ho se leva soudainement, disparaissant quelque instant avant de réapparaitre devant moi…accompagné d’une odeur plus qu’irrésistible. Je baissais les yeux vers le bras qu’il me tendait.
Bien évidemment.
Du sang.

- Juste… Ne me fait pas trop mal et boit pas trop sinon tu seras saoule encore...ajouta-t-il en souriant, semblant me persuader de le mordre vite.

Je ne pouvais que le regarder, inerte. C’était ça notre marché, après tout. Il ne s’agissait que de cela depuis le début. Une bête et stupide histoire de sang. Un pari idiot. « Si tu me cèdes, tu devras tout me céder » et, c’est ce qui faisait en ce moment même. Il honorait sa promesse jusqu’au bout, allant même jusqu’à s’entailler lui-même le bras. C’était un acte particulièrement courageux.
Et particulièrement méprisant.

Me mordant la lèvre, quelque peu confus par l’alléchante odeur qui émanait à présent de lui, je baissais le regard. Alors quoi ? J’allais le mordre et partir ? J’allais prendre ce qui me tenait tant à cœur depuis le début et faire comme si rien n’avait jamais existé ? Ne le considérer comme rien de plus qu’un énième jouet, bon à jeter une fois ayant servi… Je ne pouvais pas. Je ne pouvais tout simplement rien faire.

- Où est-ce que tu vas chercher ces idées à la con ?murmurais-je en passant à nouveau une main fébrile dans mes cheveux. Tu penses sincèrement que les choses deviennent sérieuses ? C’est de cette façon que tu le vois ?

Je me levais, me plaçant face à lui, un sourire dédaigneux au coin des lèvres.
Je devais le blesser. Le piétiner de la même façon que j’aurais pu le faire avec quelqu’un d’autre. C’était plus sain de cette façon. Facile et indolore.
Couper toutes attaches avant que celles-ci ne finissent par me retenir.

- Tu ne te prendrais pas un peu trop au jeu, gamin ? Tu crois que j’ai été sérieux ne serait-ce qu’une seconde avec toi ? Pffff…comme c’est pitoyable…crachais-je avec un dégout que je voulais sincère.

Il fallait qu’il comprenne que je n’étais qu’un salop. Un parfait salop. Que je n’avais fait que jouer avec lui et rien de plus. Qu’il ne comptait pas. Qu’il n’avait même jamais compté à mes yeux. Min Ho devait me détester, me rejeter de tout son être. C’était mieux pour lui.
Bien mieux pour moi.

- Si je dis que ça ne m’amuse plus, c’est que tu dois comprendre que tu me saoul. Non, c’est même pire que ça. T’es chiant. Tu te comportes comme un véritable toutou…tu vas pas me dire que pour toi c’est sérieux, si ? Il suffit que je te glisse deux trois mots à l’oreille pour que tu sois troublé ?lui demandais-je d’un air narquois. J’aime juste ta tête. Ça ne va pas chercher plus loin. Alors je t’en prie, ne te fais pas d’idées. Moi ; être sérieux ? On aura vraiment tout entendu…

Je m’apprêtais à sortir de la pièce, le bousculant au passage.

- J’ai même plus envie de boire ton sang…tu me dégoûtes tellement… Mais je te remercie, tu étais un jouet très distrayant. Tu m’as permis de faire passer un peu le temps.

Je me dirigeais rapidement vers la porte d’entrée avant de m’engouffrer dehors, claquant la porte au passage.
Une fois sur le seuil, je dus me faire violence pour ne pas aller m’exploser la tête contre le mur. Mais qu’est-ce que je venais de dire, merde ?! Pourquoi lui avais-je balancé tout ça à la gueule, sans aucun raison ?...
Ma main se posa faiblement sur la poignée de la porte, hésitante. Non. Je ne pouvais pas revenir…c’était mieux comme cela. Il fallait que je me détache de lui avant que les choses ne dérapent pour de bon.

Je sortais dans la rue, perdu. Un humain…mais à quoi avais-je bien pu penser ?...
J’avais envie de vomir.